Grandfather

July 14, 2011

This post is only available in french. I don't have the will nor the skills to translate it properly in english.

Il est mort. De maladie et de vieillesse. Il est mort d'une maladie de vieux. Il était vieux. Il est mort et je ne le verrais plus. La mort n'est jamais aussi violente dans son exécution que dans ses conséquences. La personne disparue ne fait souvent que peu de cas du sort des vivants. Qui pourrait lui en vouloir ?

Je devrais sans doute associer ma peine à celle des autres personnes touchées par ce triste départ. Mais chaque personne souffre différemment. Qu'importe les personnes, deux d'entre elles auront toujours une relation unique par rapport au reste du monde. Alors je choisis de souffrir de mon côté. Comme un petit garçon qui veut ressembler à un homme. Certaines personnes ont besoin de pleurer pour faire leur deuil. J'ai besoin d'écrire pendant que la peine est là. Un exutoire.

Mais les vivants, ces paquets de chairs et d'émotions, restent sur Terre et crient, pleurent, extériorisent cette peine qui est la leur. Cette peine de ne plus voir l'être aimé, bien sûr, mais la peine du regret aussi. Souvent. Le regret de ne pas avoir su trouver les bons mots lors d'une dernière rencontre qui ne s'était pas présentée comme telle. Le regret d'une dispute qui n'a jamais vraiment été réglée.

Ces regrets, que cristallisent la mort, sont avant tous des rappels à l'ordre. L'humain aime se bercer de cette naturelle illusion que demain soir, il se couchera dans le même lit. Que les personnes qu'il connait, qu'il aime, seront toujours là. L'être humain s'imagine être un chêne, il n'est qu'un fétu de paille.

Voici donc l'humain, feuille d'un arbre dont il ne peut mesurer l'étendue. Il prend de l'assurance au fur et à mesure de sa maturation, jusqu'à ce que les feuilles autour de lui commencent à jaunir, et que certaines, ô malheur, tombent de l'arbre. S'il a de la chance, s'il est benêt ou s'il est sage, il se contentera d'accepter cette condition comme un simple fait de l'existence: vivre, c'est mourir. Un jour. Lointain peut être, mais un jour quand même. Pleins de jours tu vis, un jour tu meurs. Sinon il se torturera, surestimant son importance, se demandant ce qu'il aurait pu faire différemment pour, folie égocentrique, empêcher cela.

Man plans, God laughs.

Certaines douleurs sont sourdes et intermittentes. Comme si la distance rendait irréelle la triste nouvelle. Comme si, à l'image du gars d'Aquin, il fallait le voir pour le croire. Mais cette douleur là se propage comme une onde sur l'entourage du défunt, et qu'importe la sensibilité ou la distance, nous résonnons à l'unisson de la peine de notre famille.

Dans ces moments, souvent, on utilise un vocabulaire feutré, respectueux des vivants. On parle de “disparition”, de “départ”. On utilise des mots tels que “repos” ou “sérénité”, comme si la mort était des vacances bien méritées après avoir affronté les affres de la vie. Alors que c'est le mort qui doit être le sujet de toutes les attentions. C'est lui qui fait un dernier tour sur Terre avant de passer sous. Mais lui aussi, finalement, compatit à notre peine, et essaye de ne pas faire trop de bruit à son propre enterrement.

Et nous, humains vivants, devons tôt ou tard nous confronter à cette réalité brutale qu'est la froide matérialité de nos existences. Oui, j'ai plus de facilité à lire Cioran que Marc Lévy.

Parce qu'il est toujours trop tard quand on a quelque chose à dire à une personne qui est “partie”, mieux vaut se dépêcher de dire ce qu'on souhaite aux personnes qui sont “encore là”, avant qu'un autre morceau de regret ne s'ajoute à la pile.

Mais ça, c'est une autre histoire.